Interview de Yannick Beaulieu
Yannick, raconte-moi un peu comment tu es arrivé à L’Arche ?
En 1963, je suis arrivé à Trosly, à la Commanderie du feu vert. J’avais 16 ans. On était 28 personnes, des jeunes des vieux, on n’avait pas le droit de sortir. En 1964, quand Jean Vanier est arrivé il nous a laissé en liberté. Il avait perdu la clé du portail. Il avait confiance en nous.
Quand as-tu vu Jean pour la 1ère fois ?
C’était en 64, il s’est présenté à tout le monde. Il a dit qu’il reprenait la responsabilité de la commanderie. Le Directeur d’avant, ça lui plaisait plus, alors il est parti. Et ça s’est appelé le Val Fleury. On pouvait faire ce qu’on voulait, sortir seul, aller en forêt, aller se promener jusqu’à Compiègne, faire des courses dans les magasins, ou aller au cinéma.
Qu’est-ce que tu faisais au Val ?
J’ai travaillé à la sous-traitance. On avait des contrats avec une usine à Paris, et on faisait de la mosaïque pour une usine à Pont Ste Maxence. J’aimais bien travaillé, j’aimais bien apprendre.
Comment tu es arrivé à Compiègne ?
J’ai fait un stage d’un mois dans une usine à Compiègne, en 1972. En même temps, j’habitais dans un foyer « Le Tremplin », à Venette, avec 7 autres hommes qui travaillaient ailleurs, et des assistants. J’ai été embauché, et j’ai travaillé 14 ans, je chargeais des camions. Tout le monde a été licencié. J’ai fait des petits travaux à droite à gauche, et en 90, j’ai intégré le CAT de Trosly, et en 96, le CAT de Compiègne.
Maintenant tu vis en appartement, comment ça s’est passé ?
En 81, Agnès Guiard, qui était responsable du foyer m’a dit « Est-ce que tu serais capable de faire un mois en studio ? J’étais pas trop rassuré. Mais comme ça a bien marché et que j’étais content, j’ai continué en studio après. Mais au début c’est le foyer qui faisait mes courses. Maintenant, je suis complètement autonome.
Ça veut dire quoi, complètement autonome ?
Je fais mes courses, je me promène (je suis en retraite) je rends service à droite à gauche, par exemple faire le facteur entre les bureaux et l’ESAT. Je vais aux restos du cœur mettre les conserves en rayon. Je vais au Club des hêtres (pour retraités), j’aime bien faire des gâteaux. Le lundi, je fais le ménage à l’église Saint Germain. J’invite des gens chez moi, ils doivent bien manger, bien sûr ! Je suis invité à droite à gauche. J’ai été à L’Arche à Marseille, et j’ai expliqué comment c’était L’Arche au début. J’aime bien faire ça.
Tu n’as pas parlé de ton livre?
Ca m’a pris d’un seul coup : j’avais commencé à écrire sur des cahiers. Il y a plusieurs personnes qui m’ont dit que c’était bien. Dominique le Cardinal, elle était ravie. Comme j’avais des photos, je lui ai données. Quand tout était fini, on a donné à Copitec qui en a fait un petit livre. C’est l’histoire de ma vie.
Est-ce que tu es fier de ça ?
Oui, il faut du courage pour faire ça. En tous cas, je suis vraiment content de moi, Sophie.
Si tu voyais Jean Vanier, tu lui dirais quoi ?
A chaque fois qu’il me voit, il me saute dessus et je suis vraiment content comme tout.
J’ai plus rien à dire.
Merci Yannick.
Entretien avec Sophie Brandicourt
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